mardi 22 avril 2008

des nouvelles de notre méga championne LAURE




«Je n'ai jamais autant stressé», «j'ai versé toutes les larmes de mon corps», «je réfléchis un peu trop et cela me fait stresser»... A coeur ouvert, Laure Manaudou est revenue sur sa terrible déconvenue survenue lors du 400 m. Après sa victoire sur le 100 m dos, elle a retrouvé le sourire et le moral pour évoquer les raisons de ses difficultés. Stress, concurrence et doutes ont ébranlé la championne.

«Laure Manaudou, vous vivez une semaine très difficile, que se passe-t-il ?
Je ne sais pas, je n'avais pas de bonnes sensations. Etant donné le temps que j'ai fait hier (lundi sur 400 m), je ne me sentais pas capable de faire un bon temps au 200. J'ai préféré nager le 100 m dos et être sûre de pouvoir gagner plutôt que de faire le 200 m, de me déchirer, de faire un temps moyen et de ne pas gagner le 100 m dos. J'ai préféré faire une course où j'étais sûre de moi plutôt qu'une autre où je prends moins de plaisir. Je prends davantage de plaisir en dos qu'en crawl où je risque de stresser et de me précipiter pour faire les courses. J'ai pris du plaisir aujourd'hui (mardi) en dos. Même avec un temps normal (1'00''00), je suis quand même satisfaite.

« C'est bien d'extérioriser tout cela »

Lundi, vous avez vécu un cauchemar lors du 400 m. Comment analysez-vous ce qui s'est passé ?
Normalement je plonge et j'ai quand même un peu d'avance. Le fait d'être au même niveau que mes adversaires, cela m'a fait un peu peur. Les deux se sont collées à moi, je les regardais au lieu de faire ma course, j'étais un peu perdue. Je ne sais pas comment cela se fait. Toutes les filles ont fait un mauvais temps, enfin pour moi. Ce n'est pas comme si j'avais fait 4'03'' et que j'avais été battue. Ce n'est pas bien grave non plus. Cela me libère un peu, je ne suis plus la meilleure. Comme quoi, je ne suis pas une machine, je ne gagne pas tout le temps, je pense que cela va me faire du bien pendant les trois mois d'entraînement qui vont suivre. Je n'ai pas su gérer la chose, je pense que je ne peux être toujours au plus niveau, cela m'apprend beaucoup de choses d'être un peu plus bas.

Vous avez évoqué en sortant de l'eau la combinaison. Qu'en est-il ?
J'attends la nouvelle combinaison d'Arena, je l'ai vue en photo et par rapport aux tests effectués par Filippo (Magnini), elle avait l'air d'être super. En finale du 400 m, j'ai mis Arena parce que c'est mon sponsor. Je ne vois pas pourquoi j'aurais mis une autre marque alors que c'était la course la plus médiatisée. Si je n'avais pas fait la qualification des Jeux, il y aurait eu un gros problème. J'y suis arrivée, c'est bon. Même si je suis arrivée deuxième, dans un mois, je l'aurais oublié.

On vous a vu très affectée après le 400 m, comment avez-vous vécu cette soirée ?
Ce n'était pas que hier soir (lundi soir), c'était jusqu'à ce midi. Je crois que j'ai versé toutes les larmes de mon corps (sourires). Cela m'a fait du bien. C'est bien d'extérioriser tout cela. C'est vrai que hier soir, j'avais beaucoup de mal à me remettre dans la compétition. Dès qu'on me parlait de cela, je pleurais. Même quand j'en parle maintenant, je ne vais pas pleurer, mais cela m'énerve un petit peu.

« Je prends plus de plaisir en dos »

Est-ce une fatigue physique ou nerveuse ?
Un petit peu des deux. J'ai eu du mal à finir mon 100 m dos, j'étais assez stressée par rapport à cela. Puis il y a les qualifications olympiques qui sont pour moi comme pour tout le monde difficiles avec la concurrence. C'est difficile de nager avec du monde à côté et cela pèse très lourd.

On ne vous a jamais sentie aussi fragile.
Je n'ai jamais autant stressé. En 2004, j'avais 17 ans. Les qualifications, je les faisais comme cela (elle mine facilement), j'enchaînais les courses, j'avais beaucoup de fraîcheur. Maintenant je ne suis pas vieille - mais j'ai quatre ans de plus - et les jeunes commencent à arriver derrière moi et ce n'est pas évident de se faire battre. Avant je faisais le quatre nages, un peu tout, j'avais beaucoup de facilité. Je faisais tout sans réfléchir. Je ne réfléchissais même pas si j'avais mal ou pas, j'y allais. Maintenant je réfléchis un peu trop et cela me fait stresser. Il faut que je perde cette habitude. C'est mieux que cela arrive maintenant, au moins je vois comment cela se passe. Je pense que j'aurais moins de pression quand j'arriverais au 400 car je n'ai plus le record du monde et je ne suis pas le meilleur temps de l'année en France.

Aujourd'hui, vous avez déclaré forfait sur le 200 m nage libre où vous détenez le record du monde. Comment avez-vous pris cette décision ?
On a beaucoup discuté avec Lionel (Horter son entraîneur), c'est une décision qu'on a prise tous les deux ce midi. Au début, je ne voulais pas le faire, mais Lionel m'avait dit que c'était mieux de le faire par rapport aux Jeux. Puis nous avons regardé le programme et nous avons vu que ce n'était vraiment pas jouable si j'étais qualifiée dans les deux. Je ne fais pas le 200 m pour faire un bon 100 m dos même avec un temps moins bon que hier (lundi). Si j'avais nagé le 200 m nage libre, je pense que je n'aurais pas pu gagner le 100 dos aujourd'hui (mardi). Je ne regrette pas. Pour le 4x200, il y a de bonnes nageuses françaises. C'est une décision difficile, mais dans l'état où j'étais, c'est une bonne décision. Peut-être que je pourrais le regretter par rapport à l'état de forme lors des Jeux ? Mais le programme est le même qu'ici. Je prends plus de plaisir en dos, je ne regrette rien.

« Ce n'est pas tout de suite les Jeux »

Est-ce que le 400 m reste votre objectif pour les Jeux ?
Oui. Il y a le 100 m dos qui est en même temps, mais avec les entraînements, je vais pouvoir enchaîner les courses et j'espère que cela se passera bien. Je ne suis plus la meilleure, j'aurais donc moins de pression. C'est toujours mon but, mais je vais essayer d'y aller sans stresser. De toutes façons, ce n'est pas tout de suite les Jeux, j'ai encore le temps.

Prenez-vous toujours autant de plaisir en crawl ?
Je me suis posée beaucoup de questions, je n'avais plus envie de nager le crawl. J'ai moins de plaisir à nager le crawl maintenant que je fais du 200 dos. C'était facile à Eindhoven. Pour moi, c'est mieux de nager du dos, mais étant donné que je peux encore fait quelque chose en crawl, je vais continuer.

Cette victoire sur 100 m dos paraît vous avoir redonné le sourire ?
Cela m'a fait du bien. Il ne fallait pas que je laisse l'image que j'ai donnée hier en pleurant. Je pense que les gens étaient contents de me voir heureuse aujourd'hui (sourires). Cela va mieux. Demain, je suis en repos. Après, je ferai le 100 libre pour prendre des repères et pour ne pas rester deux jours sans nager. Je ne pense pas faire le 800 m. Sur 200 m dos, je ne vais pas dire que je vais faire 2'07, mais j'espère faire un bon chrono. »

Recueilli par Sophie DORGAN, à Dunkerque

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